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Ça c'est passé en Charente - Filae.com
**Bruno**
Ça c'est passé en Charente
Envoyé le: vendredi 11 mars 2011 16:27



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Ce fil pour relater des faits historiques réels qui se sont déroulés en Charente. certains y trouveront peut-être des ancêtres.
PS: Serait-il possible d'y inclure mes sujets sur Ravaillac, et le Coup de Jarnac ? par avance merciWink
Nous n'héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants.
'Antoine de Saint-Exupéry'



**Bruno**
Ça c'est passé en Charente
Envoyé le: vendredi 11 mars 2011 16:36



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1649 - Juillac-le-Coq (16) : l’exécution publique du cadavre d’une suicidée


Une logique imperturbable : le suicide est un crime grave, et donc celui qui le commet mérite le châtiment suprême, la pendaison. Au nom de ce principe, les juges du ressort de Bouteville nous entraînent dans un scénario ahurissant.

1649 – PROCES-VERBAL TOUCHANT L’EXECUTION DU CADAVRE DE CATHERINE DUBOIS SUICIDEE DANS LES LIMITES DE LA TERRE ET SEIGNEURIE DE JUILHAC LE COQ.

Sources : Fond Albert – Babinet de Rancogne – Procès-verbal faict en 1469, touchant lexecucion du cadapure dune femme trouvee noyee dans les limites de la terre et seigneurie de Juilhac le Coq, en Angumois

Point de sépulture chrétienne, ni de pitié pour la dépouille de Catherine DUBOIS dont le cadavre doit être pendu. C’est la sentence énoncée par les hommes de loi avec l’aval de l’église car se suicider est un crime. La situation se révèle macabre, car plusieurs jours se passent en échanges épistolaires avec force détails pour déterminer la juridiction compétente pour exécuter la sentence.


Lundi 4 septembre 1649 - Les faits


Ce jour de 1469, Catherine DUBOIS épouse de Colas Martin, laboureur demeurant en l’hôtel de Nodon de Boisson de Verseuin en la paroisse de Juilhac le Coq se suicide en se jetant dans le puits de la maison. Guillaume Laisne, juge de la cour de Juilhac le Coq dépendant des chanoines de l’église cathédrale d’Angoulême prend conseil auprès de Jehan Symon, assesseur du Sénéchal d’Angoumois pour savoir qui devra appliquer la sanction pénale. Le cadavre de Catherine doit-il rendre raison à la justice des chanoines ou à la seigneurie de Bouteville dépendant des Comtes d’Angoulême ? le suicide a eu lieu en limite des terres appartenant au chapitre d’Angoulême et de celles de Marguerite de Rohan, comtesse d’Angoulême, dame de Bouteville. S’ensuit un échange de missives sur la conduite à tenir. Il n’y a point de bourreau pour appliquer la loi. Qui voudra donc se charger de transporter le corps jusqu’aux bois de justice et appliquer la sentence ? Guillaume LAISNE s’adresse à Helie GIRAULT, homme de loi pour demander conseil sur la procedure

« Je Guillaume Laisne, juge de la court ducict Juillac pour messieurs seigneurs doyen et chappitre, incontinant que en fuz assauante (instruit) par Pierre Berteau, sergent audic Juilhac pour mesdicts seigneurs, allay faire linformacion sur le lieu, et icelle faicte la envoyay en Engolesme à honnorable et sage maistre Helies Girault licencie en loix, ; seneschal de mesdicts seigneurs doyen et chappitre, et lui en excriuis mes lettres missibles, et aussi à monsiegneur maistre Jeahan Symon licencie en loix accesseur de monseigneur le lieutenant, de monseigneur le seneschal Dangoumois, pour savoir commant il leur plairoit que sur ce que me eusse à gouverner et proceder oudit cas. Lequel dict maistre Helies Girault mescriuit de sa main en la maniere qui sensuit »

Mardi 5 septembre – La réponse de Girault


« Monsieugneur le juge je me recommande à vous tant que plus puis. Jay veu ce que escript mauez Monseigneur laccesseur et moy auons uisite linformacion que mauez enuoyee touchant la femme qui sest tuee ; et sommes doppinion que faciez assauoir (informiez) au procureur de Bouteuille (Bouteville) que soy rende la ou on a accoustume rendre les criminels a la justice de Bouteuille quand le cas y aduient (advient) ; et illec le corps qui a present est sur terre soit trayne jusques audict lieu et le bauldrez et liurerez audict procureur et officiers de Bouteuille pour en faire lexecucion, cest assauoir (à savoir) estre trayne et pandu, se bonnement faire se peut ; si non, seroit meilleur que le corps fust trayne hors la terre de Juilhac et mis dedans la terre et chastellenie de Bouteuille, et illec, le enterrer en terre prophane, car peut estre que la solennite de justice ny pourroit estre gardee propter fetorem cadaueris, etc. Et tout ce ferez comme mon accesseur ou je vous commetz par la teneur de ces presentes a y besongner comme se je y estoie en propre personne. ……… »

Escript Engolesme cetuy mardi cinqyesme jour de septembre. En la souzscripcion est escript : Le tout vostre Helie GIRAULT et en la supscipcion : A Monsiegneur le juge de Comgnac (Cognac) et de Juilhac le Coq.

Nuit du mardi 5 septembre - Réponse de Guillaume Laisné


Après concertation avec le chapitre et le procureur de Bouteville, Guillaume Laisne adresse de nouvelles missives à Helies Girault et Jehan Symon.

« Mon tres chier et honnore seigneur, tousjours moy recommande à vostre bonne grace, et vous plaise savoir que moy et Robert Catris procureur à Bouteuille auvons veues les lettres que escriptez mauez faisans menssion que vous et monseigneur laccesseura uez veu les lettres que escriptes vous auoye et aussi à lui auec linformacion de la mort de Katherine Bubois de Juilhac le Coq qui se tua ; et mauez rescript que loppinion de vous et de monseigneur laccesseur estoit que le corps de la dicte femme fust rayne de par la justice de mesdicts signeurs de chappitre jusques au lieu accoustume à livrer les crimineulx, sans ce que declairez le lieu. Touttefois, monseigneur du Frayne (Pierre du Bois, écuyer dont la seigneurie relevait de Juilhac le Coq) ma aujourduy dit que cest a une croix appellee la croix Faulconin, laquelle croix est pres de leglise de Juilhac comme de distance dune versayne (longueur d’un sillon) et demye ou environ ; et est ladicte croix bien auant au-dedans de la seigneurie ducict Juilhac ; et que audict lieu accoustume à liuvrer les crimineulx ledict corps fust liure aux procureur et officiers de la justice de Bouteuille, qui semblablement feroient trayner ledict corps jusques aux justices de Bouteuille ; et que illec le feroient pandre ou autrement le feroient enterrer en la chastellenie de Bouteuille, la ou pour la fetour et puanteur on le pourroit pandre. Si est ainsi que nous ne trouuions (trouvions) homme pour mesdicts seingeurs qui vueillent faire trayner ledict corps pour la justice de mesdicts seingeurs jusques au dict lieu accoustume, disans que cest loffice xde bourreau ; et aussi nous nauons (n’avons) point de bourreau par deca, et nen y a point au pays que nous sachons ; et pour ce, ne sauons commant nous y puissions proceder, car ledict corps est desja infect et puant, tellement que lon nen peut endurer la fleureur, ja soit ce que je lay (bien que je l’ai fait enfouir) fait enfonsser en une pipe ; et est encores ledict corps prez du poys (puits) dont il a este tire. Je le voulloye faire mener aux prisons de messeigneurs a la voulture (basse-fosse) mais le fermier nomme Heliot de Bresme ne si veult consentir tant pour la puanteur que aussi pour ce qui dit quil noseroit demourer de njuyt en ladicte voulture sy le corps y estoit. Et pour ce, plaise vous en parler auec mondict seigneur laccesseur et y aduiser ensemble quil en est a faire, et aussi lui remonstrer que monseigneur de Linieres (Lignières) doit fournir de bourreau pour madame de Bouteuille (Bouteville) et lui fauldroit faire assauoir et quil eust espace competente de le sercher ; et quant il seroit serche, si doubte je que pour la puanteur il ne le pourroit executer ; et nous semble que dors en auant lexecucion ne sen peut faire que par figure ; et que ledict corps soit mis en terre la ou vous et monseigneur laccesseur aduiserez (aviserez) et que vous et lui ensemblement nous en vueillez rescripre ce quil en sera a faire, affin de garder le droit des seigneuries d’une partie et dautre ; ………. Escript à mardi de nuyt cinqyesme de septembre.

Mercredi 6 septembre - Réponse au dos de la lettre de Jehan Symon, assesseur


« Monsieugneur le juge, nous auons veu les lettres que escriptes a monsiegneur de la Mothe et à moy. Puisquil nest possible de y faire ne y garder les sollennitez de justice, je suis doppinion pour le present que le corps soit enterre en quelque lieu que ce soit. Touteffoiz sil estoit possible quil fust mis en la terre de Bouteuille la ou par vous et monseigneur le procureur seroit ordonne, ce seroit e mieulx ; et une autre foiz on y fera ce quil appartient par figure ou aultrement. …….. »

Escript Angolesme, cestuy mercredi. Et en la soubzscripcion : le tut vostre Jehan Symon

Jeudi 7 septembre – La sentence est exécutée


Avec l’accord de toutes les parties et commis par Helies Girauld, Guy Laisne ordonne au sergent Pierre Bertauc de rassembler les habitants du village où a eu lieu le crime afin d’assister à l’exécution de la sentence.

« Je ledict Guilaume Laisne, juge audict Juilhac le Coq pour mesdicts seingeurs doyen et chappitre Dengoleme, et commis en ceste partie de par mondict seigneur maistre Helies Girauld licencie en loix leur seneschal, le jeudi matin septyesme ducict mois de septembre, lan susdict, feiz par Pierre Berteau sergent de mesdicts seigneurs doyen et chappitre, faire commandement de par mesdicts seigneurs aux manans et habitans de ladicte terre et seigneurie de Juilhac le Coq de eulx rendre solennellement icellui dict jeudi à heure de dix heures audict mayne Naudun Verseuin embastonnez pour accompagnez ladicte justice. A laquelle heure de dix heures dicellui jus es, presences de honnorable homme et sage Robbert Cattris procureur audict Bouteuille (Bouteville) pour très haulte et puissante princesse madame la contesse Dengolesme, de nobles hommes Pierre du Bois seigneur du Frayne, de Henry du Bois son filz escuiers, de pierre de Bresme fermier de la terre et seigneurie de Juilhac pour mesdicts seigneurs et leur procureur audict lieu, dudict Pierre Berteau sergent, de Guillaume Persay, de Guillaume Moreau, Pacault Foncheteau, Helyot Gaillart, Helyot Ymbart, Mathelin Friquet, Arnault Moreau, Guillaume Pignou, Guillaume Aliet, Pierre Garnier, Guillaume Prepian, et de plusieurs autres habitans dudict Juilhac le Coq, feiz charger ledict corps de ladicte feue Katherine Dubois estant enfonsse en une pipe pour la puanteur euicter (éviter) et le mectre en une charrecte attelee de deux chevaux, et la mener en la compagnie des dessus dicts jusques au quarrefour de la croix du Poyou six en la paroisse de Segonzac, et en la chastellenie terre et seigneurie de Bouteuille (Bouteville). Auquel dict quarrefour je liuray pour et en nom de mesdicts seigneurs doyen et chappitre à cause de leur justice et jurisdiction dudict Juilhac le Coq le dict corps de ladicte Katherine en la presence que dessus, ausdicts procureur sergent et prevost fermier de la prevoste dudict Bouteuille (Bouteville), pour en faire lexecucion ; lesquels le prindrent et accepterent pour receu, protestacion sur ce faicte par ledict procureur de madame la contesse, que ce fust sans preiudice des droiz de madicte dame, et aussi par ledict procureur de mesdicts signeurs doyen et chapittre que ce fust sans priudice des droiz de mesdicts seigneurs. Au quel dict quarrefour du couste et a la part deuers le Bouchet et sans preiudice que dessus, ledict corps estant en ladicte pipe, incontinant fut enterre. Lequel dict quarrefour est fait et est cause du chemin que lon va de Jarnac a Saint-Fort et du chemin que lon va dudict Bouschet a Richarduille (Richarville, village commune de Segonzac).

Et en tesmoing de verite de tout ce que dessus est escript ainsi auoir este fait, jay signe ces presentes de mon seing manuel cy mis. Signé Laisne.

Source Histoire Passion
Nous n'héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants.
'Antoine de Saint-Exupéry'



**Bruno**
Ça c'est passé en Charente
Envoyé le: vendredi 11 mars 2011 17:19



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Merci de me dire si ce genre d'article trouve son intérêt ici Book
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Janine Marie Eudoxie
Ça c'est passé en Charente
Envoyé le: vendredi 11 mars 2011 17:53



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Bonsoir

Moi je trouve que oui car cela nous raconte la vie au temps de nos ancêtres.

Peut-être en faire un résumé car ce n'est pas facile à lire.

A suivre avec intérêt

Jean.L947
Ça c'est passé en Charente
Envoyé le: vendredi 11 mars 2011 19:20



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De Jean
Oui avec joie car comme le dit Janine c'est la vie de nos ancétres
J'en ai déjà fait part aux membres
de l'association dont je suis
participant
Merci,cordialement Jean
Jean.L947
Ça c'est passé en Charente
Envoyé le: vendredi 11 mars 2011 19:20



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De Jean
Oui avec joie car comme le dit Janine c'est la vie de nos ancétres
J'en ai déjà fait part aux membres
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Merci,cordialement Jean
**Bruno**
Ça c'est passé en Charente
Envoyé le: vendredi 11 mars 2011 19:34



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Merci, et bien je continuerai à vous distiller les frasques cagouillardesWink
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**Bruno**
Ça c'est passé en Charente
Envoyé le: lundi 14 mars 2011 19:11



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1787 - Les eaux-de-vie de Cognac dans la traite des esclaves entre l’Afrique et St Domingue


Les eaux-de-vie de Cognac, un des éléments du négoce des esclaves d’Afrique destinés aux plantations de Saint Domingue, dans un livre qui est un plaidoyer en faveur de l’esclavage.

"La loi du 30 floréal an 10, en rétablissant la traite des noirs a fait naître l’espoir de voir nos Colonies prendre un nouvel essor


Au mois de novembre 1787 M Denys Bonnaventure, étant à Rochefort, en qualité de major de la neuvième escadre d’évolution, reçut l’ordre de prendre le commandement de la frégate la Flore, de 26 canons de 8, destinée pour une campagne à la côte occidentale d’Afrique

Après avoir embarqué les marchandises de traite qui étaient nécessaires nous mîmes à la voile de la rade des Basques le 12 avril 1788 avec la goélette la Cousine



La Compagnie emploie encore divers moyens pour se procurer des esclaves : ces moyens consistent à faire des avances de marchandises aux nègres des villages qui sont dans sa dépendance, moyennant des otages : si ces otages ne sont pas dégagés dans un terme fixé par l’équivalent en poudre d’or, des marchandises avancées, ces otages deviennent esclaves de droit, ou plutôt de fait ; cette manière de procéder fournit tout à la fois beaucoup d’or et une grande quantité d’esclaves ; d’un autre côté, la Compagnie s’approprie les nègres vagabonds qui commettent des désordres dans les villages qui sont sous sa protection. … Ayant besoin de quelques provisions, M. Bonnaventure s’adressa au commandant du fort de Chama, qui lui envoya dix cabris et quatre canards, pour lesquels il lui demanda sept ancres d’eau-de-vie ; c’était sur le pied de seize bouteilles le cabri, et quatre bouteilles le canard : nous trouvâmes ce prix un peu cher : le roi du pays fit proposer de donner les cabris à huit bouteilles d’eau-de-vie pièce, ainsi le commandant gagnait cent pour cent sur nous. … La traite se fait avantageusement à Amokou, on y trouve beaucoup de captifs, de l’or et de très beau morfil ; il offre des rafraîchissemens et des vivres, tels que poules, cochons, cabris, des fruits, des poissons, beaucoup de maïs ; le terrain d’ailleurs est d une fertilité prodigieuse.

Le prix des nègres dans ce comptoir est de 7 onces d’or [1] et 14 onces en marchandises pour les hommes de cinq pieds six pouces et de onze onces en marchandises pour les jeunes et belles femmes. Les nègres d’une taille ordinaire se vendent onze onces, les hommes ; et huit à neuf onces les femmes.

Ce prix, qui peut paraître un peu élevé, l’est moins, lorsqu’on sait que les nègres de la Côte d’Or sont beaucoup plus robustes, plus sains, plus laborieux que ceux que les armateurs sont dans l habitude d’aller traiter à Portenove, à Badagry et à Aunis : ils sont d’ailleurs plus recherchés à Saint Domingue et dans nos autres colonies.

Je citerai trois exemples de traites avantageuses

En 1787, depuis le mois de mai jusqu’au mois de juillet, le capitaine Bonamy, de Nantes, a traité à Amokou 400 esclaves, au prix courant d’Anamabou, c’est-à-dire, dix onces les hommes, et neuf onces les femmes.

Dans la même année de juillet en octobre 1787, le navire le Pacifique de Saint-Malo a fait une traite de 550 esclaves, de 400 onces de poudre d’or et de 10,000 liv. de morfil. Pour accélérer son expédition, il avoit mis une once sur chaque tête de nègre au dessus du prix courant d’Anamabou.

Cette année, 1788, depuis le mois d’avril au mois de mai, c’est à dire en cinq semaines, le navire, le véritable Ami, de Saint-Malo, a fait 150 esclaves de choix, qu’il a payés une once au dessus du prix d Anamabou.

Eau de vie

Nos eaux de vie sont très recherchées par toute la côte, mais les capitaines des vaisseaux du commerce y mettent tant d’eau que les nègres, prévenus de cette fraude, sont en garde contre cette parsimonie mercantile, ils en baissent le prix, ainsi nous n’y gagnons point.

Pour trouver un débit avantageux de cette denrée, il est bon de partager la barrique d’eau-de-vie en ancres de 25 bouteilles ; deux ancres ou 50 bouteilles valent, à Amokou, une once d’or ou 80 liv. L’ancre est une espèce de mesure employée à la côte, et dont la capacité varie. on fait des ancres de 10 à 12 bouteilles ; mais il en faut six de celles ci pour une once : il est donc préférable de se servir d’ancres de 25 bouteilles, on y gagne 16 bouteilles. on peut avoir quelques demi-ancres pour les petits marchés.

on sait qu’on ne vient à bout de rien à la côte d’Afrique sans donner de l’eau-de-vie, mais les capitaines marchands, qui entendent leurs intérêts, savent résister aux importunités des nègres.

Il y a des marchands qui ont imaginé de rapprocher du centre les fonds de leurs ancres, de manière qu’elles ont des longailles qui dépassent les fonds à chaque bout, de plus de quatre pouces ; en suivant cette méthode on gagne quelques bouteilles d’eau-de-vie : je ne conseillerais pas de l’adopter, parce que, tôt ou tard, ces ruses seront déjouées et nos eaux de vie baisseront de prix d autant.

A suivre...

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'Antoine de Saint-Exupéry'



**Bruno**
Ça c'est passé en Charente
Envoyé le: lundi 14 mars 2011 19:13



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Suite

Marchandises de traite pour Amokou embarquées à bord de la frégate la Flore


- 10 Barriques d’eau-de-vie formant 88 ancres [2]
- 75 Pièces de marchandises
- 21 Douzaines de mouchoirs de cholet
- 620 Livres de poudre
- 36 Fusils de traite
- 1 Barrique pierres à fusil
- 4 Caisses de pipes
- 2 Cannes de tambour-major
- 19 Chaînes en argent

L’eau-de-vie étant la denrée la plus usitée sur toute la côte d Afrique, celle dont le cours a un débit plus avantageux, je vais rapporter quelques notions sur la qualité de cette denrée et sur le degré de force exigée dans le commerce, je les tiens d’un de mes amis propriétaire à Barbezieux, près Cognac, département de la Charente, on sait que Cognac est renommé pour les bonnes eaux-de-vie.

L’eau-de-vie loyale et marchande dans les départemens de la Charente et de la Charente-Inférieure (en Angoumois et en Saintonge) doit avoir quatre degrés de force, preuve de Cognac.

La force et la concentration des esprits déterminent la nature de l’eau-de-vie ; pour en reconnaître la qualité, la dégustation ne suffit pas, on emploie une espèce d’aréomètre qu’on appelle vulgairement éprouvètes. Les propriétaires et marchands d’eau-de-vie ont chacun leurs éprouvètes, mais elles ne s’accordent pas toujours, on cite les aréomètres du citoyen Mossy ingénieur.

Les 4 degrés qui constituent l’eau-de-vie marchande, équivalent aux 22 degrés de Paris ; mais les négocians achètent également l’eau-de-vie à toutes sortes de degrés on convient d abord du prix courant de celle qui est marchande et ensuite on calcule quel doit être le degré en sus.

En supposant donc que la barrique d’eau-de-vie, contenant 27 veltes ou 216 pintes, se soit vendue 390 fr (c’était là le cours pendant les premiers jours de germinal an 10) l’eau-de-vie ayant un demi-degré au delà des 4 degrés, prix marchand, se serait vendue 9 liv 15 s en sus des 390 liv ; 19 liv 10 s si elle avait eu un degré de plus, et 29 liv 5 s si la force eût été à un degré et demi toujours au dessus dessus des 4 degrés qui constituent l’eau-de-vie marchaude : on voit que le prix de cette force est ajouté au prix principal à raison de 5 pour 100

A la même époque de germinal an 10, le prix des eaux de vie à Paris était :
- Eau-de-vie de Coignac, première qualité, 470 à 480 liv. les 27 veltes ou 216 pintes, et 17 liv 15 sols 6 den. la velte.
- La même, seconde qualité, 450 liv. également les 27 veltes, ou 16 liv. 13 s. 6 d. la velte.

Les marchands font plus ou moins valoir le degré suivant que l’eau-de-vie est rare ou commune, qu’elle est plus conforme à la commission dont ils sont chargés, et qu’ils sont plus ou moins pressés d’acheter.

Lorsque les marchands n’ont pas de l’eau de via assez faible pour réduire celle qui est trop forte relativement au degré désiré, ils se servent de l’eau pure pour l’affaiblir : les eaux de vie de 11 à 12 degrés peuvent en supporter un tiers de leur volume, pour les réduire à la preuve de Cognac ; mais la nécessité où l’on est d’affaiblir les eaux-de-vie fait qu’elles ne sont pas aussi estimées que celles qui sont purement marchandes ou réputées esprit-de-vin.

D’ailleurs la méthode de corriger les eaux-de-vie avec de l’eau est défectueuse en ce que l’eau n’est pas si parfaitement miscible avec de l’eau-de-vie, qu’elle n’en altère la limpidité : en effet, versez une petite quantité de cette liqueur dans une belle eau, vous verrez les filamens déliés, huileux et inflamables de l’eau-de-vie se séparer, mais lorsque ces deux liquides seront mêlés, sans pouvoir distinguer les parties de l’un de celles de l’autre, ils perdent leur transparence par l’évaporation et cela s’appelle perdre : il est donc indispensable d’acheter ses eaux-de-vie de quelques degrés plus fortes, il est essentiel de ne les vendre ou de ne les acheter que dans un tems qui tienne un milieu entre le froid et le chaud. on a remarqué que les froids de l’hiver et les chaleurs de l’été pouvaient occasionner sur les mêmes eaux-de-vie une différence sensible. Les propriétaires ou les marchands qui se proposent de garder l’eau-de-vie, doivent se munir de futailles faites avec du bois de chêne de la meilleure qualité, elle s’évapore au travers les pores du bois, selon qu’il est plus ou moins spongieux ; le mairin du limousin bien choisi est le meilleur de tous. L’entretien du remplissage d’une barrique faite de ce bois, ne montera souvent pendant l’année entière, qu’à une pinte d’eau-de-vie, tandis qu’un bois de mauvaise qualité en dépenserait 12 pintes ; un houillage aussi considérable rendrait cette liqueur trop dispendieuse à garder : on ne la met jamais par cette raison dans des futailles de bois de châtaignier.

Source: histoire passion
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**Bruno**
Ça c'est passé en Charente
Envoyé le: lundi 14 mars 2011 19:19



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Notes


[1] L’once d’or vaut 80 fr et celle en marchandises 40 fr

[2] L’ancre d’eau-de-vie est une espèce de mesure en usage à la côte de Guinée ; elle contient 12 pots ou 25 bouteilles : nous nous servons en France du terme de velte.

La barrique d’eau-de-vie contient en général 27 veltes ou 216 pintes ; d’après la note ci-dessus des marchandises de traite, les 10 barriques d’eau-de-vie, formant 88 ancres, c’est 8 ancres 14 pintes et quelque chose par barrique.
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'Antoine de Saint-Exupéry'



Janine Marie Eudoxie
Ça c'est passé en Charente
Envoyé le: lundi 14 mars 2011 20:09



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bravo bravo bravo

vivielle
Ça c'est passé en Charente
Envoyé le: mercredi 16 mars 2011 18:43



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BISOUS tous les deux :bisou:

il dort BRUBRU .......fou

en forme janine Jump
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